Témoignage: « Coup de gueule » d’un·e interne de pédiatrie
Le déconfinement a débuté depuis hier. Pour autant, il est de notre devoir de rappeler que la crise du Covid-19 est loin d’être terminée !
En attendant, les témoignages des internes sont là pour rappeler que la situation à l’hôpital n’était pas reluisante avant l’épidémie…
C’est le sens du message porté par cet·te interne de pédiatrie qui souhaite que les conditions de travail des internes soient revalorisées de façon durable !
« Les oubliés »
Il est vrai que les enfants sont peu impactés par le virus mais il n’en reste pas moins que nous, internes et adultes, prenons des risques à venir à l’hôpital et continuons de soigner nos petits patients.
Nous sommes en sous effectif croissant en Pédiatrie, à cause de droit aux remord et de burn-out. Nous nous efforçons de travailler plus pour compenser.
Avec notre petit effectif, nous remplissons davantage de lignes de gardes de nuit, en Néonatalogie, aux urgences pédiatriques ou en Réanimation. Je pose donc la question suivante : quand serons-nous enfin pris en considération?
Outre la création de postes d’interne qui nous est refusée chaque année par l’ARS (Agence régionale de santé, ndlr), un cas plus concret sont nos chambres de garde en Pédiatrie à Toulouse. Elles n’ont pas, pour la plupart, les conditions requises légales pour dormir (pas de douche, pas de WC, lit de camp dans un bureau en plein passage, ou lit de patient en HDJ…). Nous demandons pourtant depuis plusieurs années une réhabilitation complète et décente de nos conditions d’hébergement pour les nuits de garde, d’autant que nous sommes amenés à en faire de plus en plus fréquemment.
Faut-il attendre que l’un d’entre nous craque pour qu’on saisisse l’urgence de la situation toulousaine ?…
C’est nous, les internes de pédiatrie à Toulouse, qui promettons de vous applaudir tous les soirs, si vous nous écoutez et nous venez en aide…
Je vis avec un interne en spé hospitalière hors urgences qui, en 5 semestres, a déjà été soumis à deux arrêts pour burn-out.
Entre les gardes d’étages ingérables, les gardes aux urgences non-séniorisées, des appels à répétition de ses chefs lors de ces arrêts pour savoir quelle avait été la PEC pour tel patient (alors que c’est noté sur le dossier) et la question « tu prends le temps dont tu as besoin mais tu reviens quand ? », l’agression physique aux urgences (agression jamais dévoilée à la direction), le patient qui meurt dans un couloir des urgences en attente d’un scanner car dysfonctions globales, chambres de garde absolument infectes, harcèlement moral d’une assistante, je vis au quotidien dans la peur.
Quel type de peur ? Qu’il craque complètement et s’injecte une petite dose de potassium. Radicale solution mais évoquée une fois.
Il a mis fin à son arrêt pour burn-out contre avis médical, pour retourner à l’hôpital après l’appel à mobilisation COVID. « Je dois être là-bas, c’est ma place. Je suis médecin ». Le résultat : retour tous les soirs en pleurant. Car on est dans une zone géographique finalement peu touchée et que tous les problèmes initiaux sont revenus. Quand le semestre a été repoussé d’un mois (stage atroce) : crises d’angoisses sur crises d’angoisses de son côté.
Le suivi avec un psychologue, que j’ai limite imposé, commence à peine à porter ses fruits. Mais les problématiques sont ancrées. Elles dépassent le cadre individuel. Les problématiques sont structurelles.
Cet interne se heurte au quotidien à tout ce qui ne vas pas car son assistante lui met la pression pour qu’il résolve ces problématiques structurelles, justement.
Est-ce à un interne de gérer le taf des aides-soignantes, qui ne font pas ce qu’on leur demande de faire ?
Est-ce à un interne de régler les problèmes qui sont censés être gérés par les cadres de santé ?
Est-ce à un interne de régler les problèmes informatiques ?
J’ai des dizaines d’interrogations de ce style : elles me rendent dingues à longueur de journées. Je peux faire quoi, hormis subir et soutenir ? Mais subir, moi aussi, sans cesse ?
De fait, que faut-il faire pour soutenir à plus grande échelle ? Comment peut-on vous aider à faire entendre vos messages et/ou revendications ?
Je suis prêt à vous aider et je suis convaincu que les familles/conjoints d’internes sont prêts à se mobiliser.
Sonnez le rassemblement et donnez des directives : nous serons là. C’est le moment où jamais : car la population (qui applaudit mais encore plus celle qui n’applaudit pas) va vous soutenir.
Bonjour,
Merci de ce témoignage poignant d’une situation inadmissible et pourtant trop fréquente chez les internes.
Si vous avez besoin d’aide, je peux vous proposer de contacter le syndicat local d’internes de la ville où vous vous trouvez ou bien de nous contacter à contact@isni.fr
Nous préserverons votre anonymat et n’engagerons aucune démarche sans l’accord express de l’intéressé.
Bien à vous