Ségur : les internes à moitié entendu·es !
Résultats du Pilier 1 “Rémunérations et carrières” du Ségur: l’ISNI a obtenu quelques améliorations pour les internes mais ne peut s’en satisfaire. Explications.
Paris, le 16 juillet 2020
Ce jeudi 16 juillet, l’ISNI a signé avec M. Olivier VERAN un accord dans le cadre du Ségur de la Santé ouvert début juin. Après de longues semaines de discussions, les internes vont obtenir des revalorisations salariales et indemnitaires.
Une enveloppe revue à la hausse
Dans sa première proposition d’accord, le ministère proposait un peu moins de 100 millions d’euros pour revaloriser le statut de l’interne. Cette proposition a provoqué une levée de boucliers des internes qui ont décidé d’une mobilisation le jeudi 9 juillet. Suite à celle-ci qui a vu les internes se mettre en grève et manifester notamment devant le ministère de la Santé à Paris, Olivier VERAN a annoncé une rallonge d’une trentaine de millions d’euros portant l’enveloppe totale à 128 millions d’euros dédiés aux internes.
Salaires : 150€ brut au lieu de 300€ net
Concernant leur traitement de base, les internes de 1ère et 2ème année auront droit à une augmentation de 150€ brut (132€ net) par mois. Soit un salaire net qui passe de 1.616€ (indemnité de sujétion comprise) à 1.746€ par mois. Les internes des autres années auront une augmentation moindre de 100€ brut en moyenne par mois (soit environ 88€ net).
Si l’on prend une base hebdomadaire de 58h comme le montre notre enquête, nous sommes encore rémunérés juste en-dessous du SMIC horaire malgré cette revalorisation: 7,5€/h pour les internes, Bac+6 à 12 contre 7,8€/h net pour le salaire minimum.
L’ISNI avait demandé 300€ d’augmentation mensuelle net afin de rattraper 10 années de gel des salaires pour les internes. Nous sommes donc déçus de cette proposition et continuerons de revendiquer une véritable revalorisation salariale qui passera notamment par la reconnaissance de notre temps de travail réel et le paiement des nombreuses heures supplémentaires que font les internes dans l’unique objectif de faire tourner l’hôpital public !
Minimum légal pour les gardes : soulagement et lassitude
Pour ce qui est des indemnités de garde, elles passeront de 120€ à 150€ brut, soit de 106 à 132€ net, pour les gardes de semaine et de 163€ les gardes de week-end. La rémunération à l’heure pour ce travail de nuit dans des conditions souvent difficiles aux urgences ou dans des services en tension (réanimation, soins intensifs, etc.) atteint enfin le niveau du SMIC horaire! C’était une revendication forte portée par l’ISNI et dont l’argumentaire a fait mouche auprès des négociateurs du Ségur !
« La revalorisation du salaire et des gardes sera valable dès le 1er novembre 2020 »
Le retour malheureux des demi-gardes
A contrario des positions de l’ISNI, le ministre a décidé de mettre dans cet accord la réapparition des demi-gardes. Nous y sommes opposés et nous avons expliqué ici pourquoi. Celles-ci seront théoriquement indemnisées à hauteur de 75€ brut mais nous n’avons aucune confirmation à ce sujet.
En revanche, nous rappelons que comme toute période de garde, demi-gardes comprises, doivent ouvrir systématiquement droit à un repos compensateur dit de sécurité d’une durée minimale de 11 heures et ne peuvent être appliquées que dans des services fonctionnant avec un système de gardes. Il est hors de question que des internes travaillant dans des services d’hospitalisation conventionnelle fassent des demi-gardes. Si vous rencontrez cette pratique n’hésitez pas à nous contacter, nous saisirons les instances administratives.
Les internes en stage ambulatoire dédommagé
L’indemnité forfaitaire d’hébergement des internes en stage ambulatoire (en zone sous-denses selon le dispositif en vigueur) sera portée à 300 € et la condition kilométrique sera supprimée. Elle sera disponible à la rentrée de novembre 2020 pour tou·tes les internes concerné·es.
Santé au travail
L’accord prévoit de rendre obligatoire une visite médicale en début d’internat et au début de chaque phase (approfondissement et consolidation) afin de suivre l’état de santé physique et mental des internes. Cette mesure est importante et minimale dans la perspective de s’adresser aux risques psycho-sociaux qui nous touchent particulièrement. Nous continuerons donc d’œuvrer à obtenir des actes plus ambitieux de nos ministères de tutelle.
Reste de l’accord: des propositions peu révolutionnaires
Les autres points proposés pour améliorer la formation et l’accueil des internes sont soit du réchauffés soit entretiennent le flou.
L’accord propose une instruction afin que les établissements ne puissent plus ignorer leurs obligations vis-à-vis des internes, idée louable même s’il est toujours regrettable de devoir faire un simple travail de “rappel à la loi” d’établissements publics dirigés par des haut-fonctionnaires…
Les tableaux de service devront par ailleurs comprendre un décompte du “temps de travail effectif” des internes à l’hôpital. Nous sommes encore bien loin de la demande de l’ISNI d’avoir un décompte horaire du temps de travail et nous avons d’ailleurs prévu des actions afin d’être entendus, Ségur ou non, sur ce point.
Le reste des propositions concernant la démocratie sanitaire manquent clairement d’ambition. Certes les internes pourront envoyer un représentant à la Commission Régionale Paritaire, commission de dialogue social au niveau régional qui n’a qu’un pouvoir consultatif. Par ailleurs, les syndicats locaux d’internes pourront bénéficier d’un surnombre pour les membres de leur bureau (à ce sujet, contactez-nous si vous souhaitez en bénéficier.
Conclusion : l’ISNI reste déterminée à se faire entendre
Nous tenons à rappeler que toutes ces avancées, mêmes minimes sont le résultat de deux choses :
- D’une part d’une incroyable mobilisation des internes lors de la grève de décembre qui a permis aux pouvoirs publics de réaliser que les internes ne pouvaient plus être méprisés.
- D’autre part, par l’exceptionnel engagement des internes pendant l’épidémie de Covid-19 qui se sont spontanément mis au service des établissements pour garantir une prise en charge au mieux des patients quel que soit leur état partout en France.
En conclusion, cet accord est une petite avancée pour les internes que nous souhaitons ne pas négliger. En revanche, il n’est en aucun cas un motif pour faire baisser la pression sur le gouvernement afin qu’il entende nos légitimes revendications:
- Augmentation de 300€ net mensuel pour tous les soignants et soignantes
- Décompte horaire de notre temps de travail
- Création d’un fonds public de financement de notre formation
- Maintien des conditions de remplacement telles qu’elles existent actuellement
Et surtout, une plus grande considération pour notre catégorie professionnelle qui souffre des maux de l’hôpital comme d’un milieu où le harcèlement est un problème systémique qui ne doit plus être ignoré !
Rendez-vous à la rentrée !