Témoignages

Témoignages: Pénurie de matériel et désillusion des internes

La question des pénuries de matériel à l’hôpital a été chronique durant cette épidémie. Les internes, comme tous les autres personnels soignants, en ont été des témoins privilégiés. Depuis que nous avons lancé notre appel à témoignages, les récits concernant le manque de masques et de surblouses dans les services accueillants des patients infectés sont nombreux.

Hormis la colère et l’anxiété que peut provoquer la difficulté d’accès à des outils de protection indispensables contre une maladie qui tue plusieurs centaines de personnes chaque jour en France, on peut percevoir un grand sentiment de désillusion des internes vis-à-vis du système de santé qui est censé les former à l’excellence et au service de la population.

« Mépris ! » C’est par ce mot qu’un·e interne termine de nous raconter comment à Angers on leur propose comme unique protection des masques bricolés par les externes de médecine. « En secteur COVID où je travaille avec des co-internes, c’est une blouse à usage unique par patient par jour, que tout le monde enfile et laisse pendre devant la chambre… » témoigne un·e interne normand.

Masques fabriqués par les externes d’Angers…

Ces témoignages montrent un sentiment de culpabilité comme cet·te interne qui nous fait part de son expérience :

« J’ai accepté initialement d’être volontaire pour participer à l’accueil des patients suspects de Covid. Dans notre hôpital, comme dans beaucoup d’autres certainement, les masques sont distribués au compte goutte avec notre matricule. […] Quand on m’a relancé·e pour être au SAU, je me suis renseigné·e sur le matériel disponible. Les masques FFP2 sont gardés par la cadre de garde, comme un lingot en banque. Chaque prélèvement est l’occasion d’une négociation âpre entre elle et les internes. Cela m’a causé un état d’esprit anxieux, j’ai même paniqué la veille de ma prise de fonction. L’angoisse d’être exposée, de renoncer aux protections par crainte de devenir agressif·ve en cas de refus de masque. J’ai donc décidé de ne pas accepter cette fonction d’accueil et me cantonner à mon service de chirurgie et de gardes habituelles. Je ressens une sorte de culpabilité et un sentiment d’inutilité totale. »

Témoignage d’un·e interne de chirurgie

La culpabilité, c’est également ce que ressent cet·te interne :

« J’ai été dès les premiers jours d’épidémie confrontée à un manque cruel de moyens, manque de masques ou masques périmés depuis 2001, pas de surblouses, pas de gants, pas de gel hydroalcoolique. Rupture sur rupture sur rupture.

Plus difficile encore, j’ai été confrontée à une sorte de mépris de la part des médecins chez qui je suis actuellement en stage, comme si je devais avoir honte de vouloir à tout prix porter un masque pour me protéger mais aussi pour protéger les patients. C’est ce qui a été le plus difficile à gérer.

Ce qui est difficile à gérer aussi c’est cette culpabilité qu’on ressent quand on se dit que non, on n’a pas ni la force ni le courage de se porter volontaire pour être déployé·e sur des services d’urgence ou pour faire des gardes d’étage Covid.

J’ai ce sentiment qu’on nous a rajouté un poids à nous internes, déjà si fragilisés par un système qui ne tient plus la route, par une pression constante, avec des internes qui se suicident tous les mois.

Ce sentiment qu’il s’agit là de la goutte d’eau qui peut faire déborder le vase. Et on n’a pas envie que le vase déborde.

On a juste envie de rester confiné·e avec nos proches et de les protéger, de ne pas les surexposer de par notre profession.

Mais ça, c’est des pensées inavouables pour un médecin… Difficile à gérer donc comme conflit intérieur.

On continue d’aller travailler donc, avec la boule au ventre, avec nos parents qui s’inquiètent, avec cette pression permanente et encore plus importante. »

Témoignage d’un·e interne de médecine générale en stage ambulatoire

Ces internes ne devraient pas ressentir de sentiment de culpabilité pour une chose qu’ils et elles ne maitrisent pas.

« Je ne me sens plus crédible dans ce rôle d’interne du système de santé publique. »

Témoignage de l’interne de chirurgie cité·e ci-dessus

La crise de crédibilité se jouait à l’hôpital depuis bien avant l’épidémie de coronavirus. Désormais le système de santé fait la démonstration de son incapacité, non seulement à prendre en charge toute la population dans de bonnes conditions, mais surtout à protéger efficacement son personnel face à un virus mortel.

Le système de santé s’est révélé incapable de protéger la santé des internes. Comment continuer à lui faire confiance ?

Ces témoignages sont donc marquants à plusieurs titres. Ils sont la preuve que les pressions sur les internes causées par le manque de matériel sont bien réelles et qu’elles nécessiteront un suivi prolongé de nos collègues afin qu’ils et elles ne ressentent aucune culpabilité dans cette gestion de crise désastreuse.

Ils sont aussi la manifestation d’une grande désillusion dans notre système de santé, incapable de répondre au besoin essentiel des internes et des soignants, à savoir protéger leur santé…

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ISNI

L’InterSyndicale Nationale des Internes représente et rassemble les internes de France métropolitaine et des DROM-COM depuis 1969. L’ISNI représente plus de 12 000 internes, répartis dans les associations et syndicats de subdivisions membres.

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